Leurs salles fermées, les chefs ont été contraints à se réinventer, avec dans leur offre une poussée de formats à emporter, adaptation de leur proposition en restaurant. Un créneau de la restauration chez soi premium nouveau, et pérenne ?

Et si la pandémie fournissait à la gastronomie l’occasion unique de se réinventer ? Les chefs et leurs établissements ne sont pourtant pas entrés dans la crise sanitaire avec les meilleurs atouts en main. Ils ont même hérité des pires : Un modèle tourné vers une fréquentation en salle pulvérisée par les restrictions d’horaires et les fermetures administratives, des repas d’affaires volatilisés, comme la clientèle internationale, 20% en moyenne de l’activité des tables récompensées par le Guide Michelin (et 50% à Paris), selon les estimations de l’agence Api &You, 383 étoilés hexagonaux dans son portefeuille client.

« Passée la seconde vague épidémique, beaucoup de chefs ont compris qu’à moyen terme, il faudrait faire sans ces flux et compenser la perte de chiffre d’affaires, explique Rémi Ohayon, son fondateur. Nombreux sont ceux à avoir construit une offre en VAE et livraison en ligne, déjà déployée chez les pâtissiers et les traiteurs avant la crise. » « Passée la seconde vague épidémique, beaucoup de chefs ont compris qu’à moyen terme, il faudrait faire sans ces flux et compenser la perte de chiffre d’affaires, explique Rémi Ohayon, son fondateur. Nombreux sont ceux à avoir construit une offre en VAE et livraison en ligne, déjà déployée chez les pâtissiers et les traiteurs avant la crise. »

Un choix très répandu, dont l’une des spécificités, outre l’émergence d’une restauration chez soi premium, est de passer par la commande digitale : plus de 250 établissements au portefeuille d’Api & You sont équipés de sa console Shop and Go. Et les clients les adoptent : 65% des commandes sur l’offre à emporter de la table des Frères Ibarboure, à Bidart (Pyrénées-Atlantiques), sont passées en ligne.  « Tout le monde s’y est mis, y compris notre clientèle senior, observe Soline Ibarboure, directrice de l’établissement. Et nous aussi ! Ce que l’on fait en salle pour vendre, il faut le positionner au bon endroit sur le site, tester, être attentifs à la newsletter, aux réseaux sociaux… Cela fonctionne. Les gens ont très envie que leur week-end ne ressemble pas à leur semaine. » Pour les y aider, un fin travail d’adaptation a été mené sur l’offre en VAE. Des canapés en Plateaux apéritifs, amuse-bouche nomadisés, au trio à 45 €, « qui nous permet de mettre plus de cuisine dans ce que l’on propose que nos premières offres à 30 € », en passant par une suggestion Prestige : une recette autour d’un produit de saison, comme la Saint-Jacques en février.

Et les clients en redemandent : la VAE, ouverte cinq mois seulement entre mars 2020 et 2021, a permis de reconstituer 30% de l’activité, sur des tickets moyens à 50 €, hors boissons, en remettant au travail 40% de ses effectifs. Au-delà de l’établissement, le créneau de cette offre premium prend de l’épaisseur. Api & You fait état d’une ligne de 35 000 € par mois en moyenne sur le click & collect, avec une pointe à 66 000 € sur la fin d’année, pour les établissements 2 étoiles au Guide Michelin. Soit le tiers de l’activité usuelle d’une table de ce niveau, réalisé à 90% en VAE. « C’est intéressant pour les restaurateurs, qui n’ont pas à partager leurs marges avec les plates-formes de livraison, qui entretiennent ce lien direct avec la clientèle, mais aussi parce que ces commandes digitales sont issues pour partie d’une clientèle nouvelle, souvent plus jeune, qui ne fréquentait pas leurs établissements avant la crise…précise Rémi Ohayon. La VAE premium aujourd’hui, c’est un peu le bistrot de chef d’hier. »

LA VAE DANS 47% DES HÔTELS-RESTAURANTS

De là à dire que cette offre pourrait s’installer plus durablement dans les usages, il y a qu’un pas… que certains ne franchissent pas. À La Rochelle, Christopher Coutanceau et Nicolas Bossard ont mis en place leur offre nomade en mai dernier sur la Yole de Chris, leur brasserie, puis l’ont reprise à la fin octobre, avec des pointes intéressantes sur les fêtes de fin d’année (1 500 couverts par semaine) et à la Saint-Valentin. Et même si cette ligne leur permet de faire revenir une douzaine de salariés sur site, ils n’attendent qu’une chose : rouvrir. « La VAE est une offre de substitution, mais pas d’avenir, souligne le sommelier et directeur de salle du Christopher Coutanceau, 3 étoiles au Guide Michelin. Elle nous aide à garder le contact avec nos clients, à mettre les équipes au travail, à honorer des lignes chez nos fournisseurs, et pour toutes ces raisons, cela vaut la peine de le faire. Mais nous n’avons pas les ressources suffisantes en hommes, en outils de production ni en espaces de stockage pour opérer en double flux. »

Pas dit qu’on retrouve, chez eux, cette offre à la réouverture. Mais elle pourrait se pérenniser dans d’autres établissements de restauration assise. En début d’année. Logis Hôtels, 1 800 hôteliers-restaurateurs adhérents, a mené une étude auprès de plus de 200 établissements ouverts en février dernier : 47% proposent désormais de la vente à emporter, 7 professionnels sur 10 voulant la maintenir après la crise.« La première question des clients d’un hôtel est actuellement de connaître les solutions de restauration qu’il propose, note Karim Soleilhavoup, directeur général du groupe. L’offre à emporter ranime le room-service, on la retrouve dans des paniers repas proposés après le check-out. Et surtout, et c’est sans doute un des éléments majeurs de cette crise, elle intéresse à proximité des établissements. Chez beaucoup de nos adhérents, les voisins sont devenus les premiers clients. » Sur un marché qui, au moins jusqu’en fin d’année, devra compter sur sa clientèle domestique, voire locale, c’est précieux.

Parution presse NEO RESTAURATION du 01/avril/2021.